Et ce déluge dont vous parlez, qu'est-ce?; Bottéro-Kramer; Lorsque les dieux faisaient l'homme.

Et Enki, rouvrant la bouche,

s’adressa derechef aux dieux, ses frères :

« Pourquoi voulez-vous me lier d’un serment ?

Puis-je porter la main contre mes créatures ?

Et ce déluge dont vous parlez,

Qu’est-ce que c’est ? Je l’ignore !

Est-ce à moi de le produire ?

Non ! C’est là l’office d’Enlil !

Qu’il décide, lui, et commande :

Et alors que Sullat et Haniš

partent en tête du cortège fatal ;

que Nergal arrache les étais des vannes célestes ;

Que Ninurta s’en aille

faire déborder les barrages d’en haut.

Le poème d’Atrahasîs, ou de Supersage, tablette II, v.40′-53′

Lorsque les dieux faisaient l’homme, Mythologie mésopotamienne par Jean Bottéro et Samuel Noah Kramer, Bibliothèque des Histoires, nrf, Éditions Gallimard

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Éa donne la méthode à Ninurta afin de couper les ailes d'Anzû et de lui faire perdre la parole, mais qu'est-ce vraiment que ces ailes ??; Bottéro-Kramer; Lorsque les dieux faisaient l'homme.

(ndlr:Ninurta n’arrivant pas à vaincre Anzû, il va chercher conseil auprès du très astucieux Éa)

Éa substitue une tactique rationnelle : les Vents, compagnons d’armes et soldats du dieu, seront utilisé d’emblée, selon leur nature propre, pour désemparer l’ennemi par des harcèlements, des heurts et des saccades qui obligeront Anzû, vertigineux et désiquilibré à laisser choir ses ailes : d’une part, il ne pourra plus s’envoler et se dérober au coups : d’autre part, Ninurta profitant du désarroi et de la garde baissée de son adversaire, sera plus aisément à même de les lui trancher. La douleur et la stupeur de se voir ainsi mutilé et dépouillé d’un attribut essentiel à sa nature et à son destin d’oiseau couperont la parole à Anzû, le rendant de la sorte incapable d’user de son pouvoir « magique » de commander souverainement aux choses. Ainsi sera-t-il forcément vaincu, et il ne restera plus qu’à envoyer lesdites ailes, en trophée, parmi les trésors sous clef dans le temple d’Enlil1.

Note de bas de page :

1:Marduk en fera autant pour le sang de Tiamat. On peut traduire autrement le terme clef de la phrase : au lieu de « au secret », « en annonce de bonne nouvelle », comme si l’envoi des ailes suffisait à notifier la victoire. Mais il est plus difficile ainsi le parallèle cité à l’instant (Marduk et Tiamat) ; et, d’autre part, un certain nombre de rituels exorcistiques dits « de précaution » recommandent en effet, et d’éloigner le mal le plus possible, et de le perdre en des endroits inaccessibles : il y a donc des chances que le vainqueur ait pris la même précaution en écartant au loin et « au secret » – dans le palais de son père- le sang du monstre qui, en lui revenant au corps, le remettrait en vie.

Commentaire sur l’édition récente du mythe d’Anzû, pg415-416

Lorsque les dieux faisaient l’homme, Mythologie mésopotamienne par Jean Bottéro et Samuel Noah Kramer, Bibliothèque des Histoires, nrf, Éditions Gallimard.

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Début d'éclaircissement de ces fameux pouvoirs tout-puissants; Bottéro-Kramer; Lorsque les dieux faisaient l'homme.

Déférant aux volontés de sa mère, le Champion (ndlr:Ninurta) s’en va donc, avec son armée de « vents mauvais », se mesurer avec son adversaire. Mais, lorsqu’il expédie à Anzû, une flèche, de soi mortelle, elle ne touche même pas son but et lui revient : par la vertu de la parole auto-efficace et toute-puissante que le monstre s’est acquise moyennant les emblèmes du pouvoir Pouvoir suprême, Arc et flèches sont en quelques sorte, à son ordre, décomposés, réduits à leurs matières premières, renvoyées chacune à sa nature et son destin d’origine, que la culture avait seulement adaptés – et donc sans effet.

Commentaire sur l’édition récente du mythe d’Anzû, pg415

Lorsque les dieux faisaient l’homme, Mythologie mésopotamienne par Jean Bottéro et Samuel Noah Kramer, Bibliothèque des Histoires, nrf, Éditions Gallimard.

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Défaite des dieux de la nature au profit d'un dieu plus jeune portant en lui-même toute sa force; Bottéro-Kramer; Lorsque les dieux faisaient l'homme.

(ndlr:Anzû après avoir volé les pouvoir d’Enlil, et provoqué ainsi la paralysie de la machine de l’univers, une assemblée des dieux se réunit afin de trouver lequel parmi eux va s’attaquer au désormais très puissant Anzû)L’assemblée va proposer ainsi à la suite trois divinité de second rang, qui paraissent choisies parce que représentatives chacune d’une des trois grandes forces de la nature : l’eau (Adad, le « fontainier » céleste, celui qui fait couler les eaux d’En-haut) ; le feu (Girru) et le vent (Šara, n’est pas , comme tel, le dieu du vent ou de rien qui y ressemble, mais son nom évoque celui du souffle de l’air, en akkadien : šâru). Le président de l’assemblée les invite l’un après l’autre à s’en aller lutter à mort contre Anzû. Il leur promet en retour la célébrité, la supériorité, au moins « morale », sur tout les autres dieux et un pouvoir accru au maximum. ……… Mais l’un après l’autre, les trois refusent : la Montagne où s’est réfugié le coupable, leur paraît « inaccessible » et, sachant qu’avec ce qu’il détient à présent, Anzû est devenu tout puissant et capable de tout par sa seule parole,……. Tout se passe comme si les dieux de la Nature avaient été, par les auteurs du mythe, reconnus trop peu puissants, et obligé de céder la place à une personnalité indépendante, plus « jeune » et portant en elle-même toute sa force. Il est bien possible que se trahisse là une certaine évolution, un progrès de l’idée de la nature et du pouvoir divins.

pg413-414

Lorsque les dieux faisaient l’homme, Mythologie mésopotamienne par Jean Bottéro et Samuel Noah Kramer, Bibliothèque des Histoires, nrf, Éditions Gallimard.

En ce temps-là, ils n'étaient que les simples sujets de leur Roi; Bottéro-Kramer; Lorsque les dieux faisaient l'homme.

Je vais célébrer Ninurta,

Le préféré de Mammi, l’omnipotent fils d’Enlil !

Né dans l’Ékur, premier des Annunaki, soutien de l’Eninnu,

Irrigateur des bergeries, des halliers, des palus,

des terroirs et des villes !

Raz de marée de combats,

Belliqueux agitateurs des écharpes guerrières !

Hommes d’armes, enragé et infatigable,

dont les assauts font peur !

De cet omnipotent personnage

Oyez-moi chanter la vigueur,

lui qui subjugua et vainquit impétueusement

La montagne des Pierres,

Abattit de ses armes l’Anzu ailés,

Mit à mort le bison au milieu de la mer,

champion très vigoureux, aux armes très meurtrières,

omnipotent, véloce,

toujours à batailler, à guerroyer !

En ce temps-là, entre les Igigi,

On ne s’était pas encore érigé de chapelles :

Ils n’étaient que les simples sujets de leur Roi.

Version récente du mythe d’Anzû v.2-16

Lorsque les dieux faisaient l’homme, Mythologie mésopotamienne par Jean Bottéro et Samuel Noah Kramer, Bibliothèque des Histoires, nrf, Éditions Gallimard

L'inondation de Ninurta; Bottéro-Kramer; Lorsque les dieux faisaient l'homme.

Pareil à une inondation immense

Ma bataille a recouvert la Montagne :

Avec « un corps et des muscles de lion »,

Elle a bondi sur le contrée rebelle,

Dont les Dieux, affolés, ont pris la fuite vers les monts,

Battant des ailes, telle une volée d’oiseaux,

Et comme des Aurochs chassées des pâturages !

Retour de Ninurta à Nippur, v. 119-123

Lorsque les dieux faisaient l’homme, Mythologie mésopotamienne par Jean Bottéro et Samuel Noah Kramer, Bibliothèque des Histoires, nrf, Éditions Gallimard.

Extraits choisis du Lugal.e; Bottéro-Kramer; Lorsque les dieux faisaient l'homme.

Et lorsqu’en la contrée rebelle, il eut sarclé comme joncs

et arraché comme roseaux l’Asakku,

Le seigneur Ninurta …… sa matraque (en disant)

« Tel……. :

Désormais, on ne t’appellera plus Asakku, mais « Pierre »

-Une pierre dont le nom propre sera zalqu

au sein de quoi se trouvera l’Enfer

et dont la vaillance reviendra au seigneur. »

…………….

Or en ce temps-là, l’eau vivificatrice

ne sortait pas encore du sol,

Mais, transformée en glace accumulée,

elle ravinait, en fondant, les montagnes,

aussi les dieux du pays, réduits au travail forcé,

devaient-ils -telle était leur corvée-

porter la pioche et le couffin

car, afin d’assurer la production,

on avait pas d’autre ouvriers à engager.

………………..

Cruelle était la famine, car rien n’était encore produit !

Nul ne nettoyait les canaux, nul n’en draguait la fange,

Et, faute de drainage, la glèbe était imbibée d’eau !

Il n’y avait d’orge que clairsemée :

On ne creusait pas de sillon,

C’est à quoi le Seigneur appliqua sa haute intelligence :

il entreprit la réalisation de merveilles1 !

En la montagne, il amoncela donc les pierres,

et, déployant ses bras

tel un nuage épais qui traverse le ciel,

il verrouilla le front du pays, comme une altière muraille

……………….

Dès lors, le contenu entier de l’univers,

sous la coupe du roi du pays, jusqu’aux bouts de la terre,

jouirait des bienfaits du Seigneur Ninurta !

A la terre arable, il assigna donc

la culture de l’orge diaprée ;

des jardins et vergers il fit sortir des fruits,

et remplit les silos de monceaux de grains.

Hors du pays, il installa des comptoirs de commerce,

ainsi contenta-t-il tous les désirs des dieux,

lesquels, à l’envi, proclamèrent

Le los du père de Ninurta !

Une fois, cependant, il attrista le coeur d’une femme, sa mère,

Ninmah, qui en perdit le sommeil, sur sa couche

où, se souvenait-elle, elle l’avait conçu !

Son corps vêtu d’une toison de laine, semblant une brebis,

une brebis pas encore tondue,

elle se complaignait aigrement que lui fût fermée la montagne.

………….

Ontologie des noms de Ninhursag, nouvelle attribution de Ninmah

Le nom sera désormais « les monts » (hur.sag)

et tu en seras « la dame »(nin).

Tel est ton destin arrêté par moi, Ninurta :

Ainsi en sera-t-il !

Aussi, dorénavant, te dira-t-on toujours « dame-des-monts »

……….

Déesse auguste (dingir.mah) qui n’aimes guère les bavardages ;

Noble femme, dame des monts (Nin. Hursag), lieu pur (ki.sikil) ;

Dame de l’enfantement (Nin.tu) ….

1:On trouvera en akkadien cette expression dans l’épopée de la création attribuée à Marduk

Extrait du Lugal.e v.324-330, 334-339, 343-351, 360-371 et 394-396

Lorsque les dieux faisaient l’homme, Mythologie mésopotamienne par Jean Bottéro et Samuel Noah Kramer, Bibliothèque des Histoires, nrf, Éditions Gallimard.