La race des héros; Les travaux et les jours; Hésiode

Mais lorsque la terre

eut aussi caché cette race –

c’en fut la quatrième

que sur la terre, bonne nourrice,

fabriqua Zeus le Kronide,

race noble et juste,

divine race d’hommes héros

que l’on appelle

demi-dieux, dernière race avant nous

sur la terre sans limites.

La guerre méchante

et la bataille affreuse

en ont tué certains sous Thèbes

aux sept portes, terre de Cadmos,

les faisant se battre

pour les moutons d’Oedipe,

en ont conduit d’autres dans des bateaux

sur le grand gouffre de la mer

pour aller à Troie à cause

des beaux cheveux d’Hélène.

C’est là que la mort

fit disparaître les uns ;

les autres, Zeus le Kronide

les installa au bord de la terre,

loin des hommes, leur donnant

un lieu pour vivre.

Ceux-là, le cœur insouciant,

ils ont leur habitation

dans les îles des Bienheureux,

près des tourbillons de l’Océan,

héros regorgeant de biens ;

trois fois par an la terre

leur donne en abondance

des fruits doux comme le miel.

Ils sont loin des Immortels,

et Kronos est leur roi.

Car le père des hommes et des dieux

a défait ses liens.

Il y a honneur et gloire

pour ceux-là qui sont les derniers.

Zeus qui voit loin n’a jamais

placé sur la terre

nonne nourrice une race d’hommes

qui soit aussi connue.

V.156-173

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La race d'or; Les travaux et les jours; Hésiode

Si tu veux , c’est un autre discours

que pour toi je ferai sonner,

bellement, avec maîtrise ;

toi, range-le dans ta mémoire.

De même lieu naissent les dieux

et les hommes qui meurent.

C’est en premier une race d’or

race d’hommes éphémères

que firent les dieux qui ne meurent pas,

qui ont leur maison dans l’Olympe.

C’était du temps de Kronos,

du temps où il régnait dans le ciel.

Et ils vivaient comme les dieux ;

le cœur insouciant,

sans peine, sans douleurs ;

et la sinistre

vieillesse ne venait pas sur eux ;

bras et jambes toujours forts

ils se tenaient en joie,

les maux étaient loin.

Ils mourraient comme pris

par le sommeil ; tout pour eux était

beau ; la terre, d’elle-même

féconde, leur donnait

du fruit abondant et sans tache ;

de bon cœur, en toute paix,

ils menaient leur vie

au milieu de grand biens,

riches de troupeaux,

chers aux dieux qui ne meurent pas.

Mais lorsque la terre

eut caché cette race –

on les appelle démons purs,

qui vont de par le monde,

qui, nobles, détournent les maux,

qui protègent les hommes qui meurent ;

ils voient les jugements droits

et les méchantes actions ;

vêtus de brumes, ils errent

partout sur la terre ;

ils donnent la richesse ;

tel est leur royal privilège

V.106-126

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Le « cadeaux » de Zeus à Prométhée; Les travaux et les jours; Hésiode

Car les dieux ont dissimulé

la pitance des hommes.

Il suffirait sinon que tu travailles

une seule journée,

et tu aurais de quoi vivre

une année, sans rien faire.

Tout de suite tu suspendrais

au-dessus du feu la grande rame.

Plus de travail pour les bœufs,

pour les mules prêtes à tout.

Mais Zeus a tout dissimulé ;

son cœur était en colère ;

car Prométhée Idée-Retorse

s’était moqué de lui ;

c’est pourquoi il a imaginé

pour les hommes les durs chagrins.

Il a caché le feu ; mais alors

le fils de Iapétos, le brave,

l’a volé pour les hommes

chez Zeus le prudent, l’a emporté

dans un roseau creux, sans que le voie

Zeus Joie-de-la-Foudre.

Donc s’est fâché contre lui

et lui a dit Zeus Maître des Nuages

« Fils de Iapétos, tu sais plus de tours que quiconque,

Tu es content d’avoir volé le feu,

et de m’avoir berné,

mais il t’en viendra malheur

à toi et aux hommes à venir.

Pour ce feu je lui ferai un cadeau.

Ils en seront tous contents

s’en réjouiront dans leur cœur,

choyant leur propre mal. »

Il dit et se prit à rire,

lui, père des hommes et des dieux,

À Héphaïstos le fameux

il donne l’ordre au plus vite

de mêler de l’eau, de la terre,

d’y mettre une voix, une force

humaines, d’y façonner la forme

d’une déesse immortelle,

belle forme d’une fille

qu’on aimerait ; et qu’Athéna

lui apprenne les ouvrages,

à tisser une toile avec des motifs ;

que sur sa tête Aphrodite

toute dorée verse sa grâce

et le désir qui fait souffrir

et les soucis qui vous laissent brisé.

Il donna l’ordre à Hermès,

le messager Argeïphontès,

d’y faire entrer un cœur de chienne

et des façons sournoises.

Il dit ; ils obéirent

au prince Zeus Kroniôn.

Tout de suite le fameux Bétourné1

fabrique avec la terre

selon les projets de Zeus

l’image d’une fille timide ;

Athéna Yeux-de-Chouette, déesse,

lui donna ceinture et parure ;

Autour d’elle les Grâces, déesses,

Persuasion la souveraine

mirent sur sa peau des colliers d’or. Et les Heures

(belles chevelures!)

la couronnent

avec les fleurs de printemps.

Pallas Athéna sur sa peau

dispose toute une parure.

Et dans sa poitrine

le messager Argeïphontès

place les mensonges, et les mots

douceureux et les façons sournoises

(vouloir de Zeus qui gronde

sourdement) ; et le héraut des dieux

lui donna une voix,

et cette femme fut nommée

Pandôra, car tous ceux

qui ont leur maison dans l’Olympe

lui avaient donné un don,

peste pour les hommes qui travaillent.

Quand il eut mis au point

ce piège terrible, imparable,

le père à Épiméthée dépêche

le fameux Argeïphontès2,

messager rapide des dieux,

pour apporter le cadeau. Épiméthée

ne réfléchit pas. Prométhée

lui avait dit pourtant de ne jamais

accepter un cadeau de Zeus

l’Olympien, mais de lui

retourner, de peur qu’un mal

n’advienne à ceux qui meurent.

Mais lui, il accepta, et lorsqu’il eut

en main son malheur, il comprit.

v. 42-89

1: Héphaïstos

2: Hermès

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L'envie de viande-2; Hymne 4, pour Hermès ; Hymnes Homériques ; Hésiode

Voilà ce qu’il dit ; et il poussait

les vaches aux têtes puissantes.

Il traversa, Hermès le magnifique,

bien des montagnes ombreuses,

bien des plaines fleuries.

C’est alors que le vaillant fils de Zeus

jusqu’au fleuve Alphée

poussa les vaches aux front large,

vaches de Phoïbos Apollon.

Elles arrivèrent sans fatigue

dans une étable haute ;

il y avait des abreuvoirs

au bord d’une prairie magnifique.

Alors il nourrit largement

d’herbes les vaches meuglantes,

il les poussa toutes ensemble

au fond de l’étable,

bien repue de trèfle

et d’un souchet couvert de rosée.

Il ramassa beaucoup de bois

et se mit à inventer le feu.

Prenant une belle branche

de laurier, il l’écorça avec du fer

. . . . . . . . . .

le tenant bien en main.

Une fumée chaude apparut.

Hermès est le premier qui nous donna

le feu et l’art du feu.

Il prit une grande quantité

de bois parfaitement sec ;

il creusa un trou, l’y entassa ;

le feu se mit à briller,

lançait au loin des jets de flamme,

brûlait avec violence.

Pendant que la force d’Héphaïstos

faisait prendre le feu,

il tira deux vaches meuglantes

aux cornes courbes hors de l’étable

près du feu. Une force immense

était en lui. Toutes les deux

il les jeta par terre sur le dos,

pantelantes. Il les plia en deux,

les fit rouler sur le flanc,

leur perça la moelle épinière.

Il faisait travail sur travail,

coupait la viande pleine de graisse ;

il faisait griller, enfilées

sur des brochettes de bois,

les viandes, et puis l’échine

-part honorable- et le sang noir

enfermé dans les boyaux.

Tout était disposé bien en place.

Les peaux, il les étendit

sur une roche très dure.

Aujourd’hui encore, après tant d’années,

on peut les y voir.

Du temps a passé, on ne sait pas

combien. Là-dessus

Hermès en joie retira du feu

ces beaux morceaux bien gras,

les mit sur une pierre plate,

les partagea en douze portions

pour qu’on les tire au sort ;

chacune était une part honorable.

Alors Hermès le magnifique

eut envie de ces viandes sacrées.

car il avait beau être immortel,

leur bonne odeur l’obsédait.

Mais il avait le cœur fier ;

il ne se laissa pas aller

malgré son envie à les faire passer

par son gosier divin.

Il emporta donc tout cela,

cette graisse, toute cette viande,

dans l’étable où les poutres sont hautes

et il les suspendit,

comme un souvenir de son vol.

Puis, ramassant du bois sec,

il fit détruire par le souffle du feu

les têtes et les pieds.

Et quand il eut tout achevé,

le dieu, selon le rite,

il lança ses sandales

dans les tourbillons de l’Alphée ;

il laissa s’éteindre les charbons,

prit soin tout au long de la nuit

d’éparpiller les cendres noire,

sous un beau clair de lune.

Il fut de retour

sur les sommets divins du Cyllène

au matin. Il n’avait rencontré

personne su sa longue route,

aucun des hommes qui meurent

ni aucun des dieux bienheureux ;

les chiens n’avaient pas aboyé.

Hermès le bienfaiteur

entra en se glissant de travers

par la fente de la porte

comme un vent d’automne,

comme une traînée de brouillard.

il alla droit au riche autel

qui se trouvait dans la caverne ;

il marchait tout doucement,

sans faire de bruit sur le sol.

Hermès le magnifique sauta

d’un bond dans son berceau.

Il serra autour de ses épaules

son drap comme un enfant

tout petit, il tenait à la main

sur ses genoux un chiffon

pour jouer, tout en regardant la tortue

du coté qui est à gauche.

Mais elle vit bien qu’il était là,

la déesse, et elle lui dit :

« Ô le petit rusé, d’où viens-tu

à cette heure de nuit,

avec ton allure insolente ?

Je vois bien ce qui va se passer :

ou bien, d’ici peu, le fils de Lètô

viendra te ligoter,

tu ne pourras pas te dépêtrer

et il t’emportera ;

ou bien tu sera sans cesse

à chaparder dans tous les coins.

Allez, file. Ton père t’a semé

pour être sans fin le fléau

et des hommes qui meurent

et des dieux qui ne meurent pas. »

Hermès lui répondit

ces paroles pleines d’astuces :

« Ma mère, pourquoi veux-tu

me faire peur comme à un bébé

tout petit, qui n’a pas l’impression

d’avoir commis des crimes,

mais qui s’inquiète et qui a toujours peur

que sa maman le gronde ?

Mais je vais apprendre un métier,

le meilleur des métiers,

qui nous fasse honneur à tous les deux,

à jamais ; dis ce que tu veux,

nous n’allons pas rester ici

seuls de tous les immortels,

dans la richesse et l’abondance

et l’opulence, qu’à croupetons

dans une caverne embrumée.

v.94-172

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L'envie de viande; Hymne 4, pour Hermès ; Hymnes Homériques ; Hésiode

Voila ce qu’il chantait, mais dans sa tête

il avait d’autres idées.

Donc il posa sans plus attendre

la lyre creuse dans le berceau

sacré ; il avait soudain

une envie de viande et il bondit,

sortit de la salle qui sent bon

pour se mettre en embuscade ;

dans son esprit il préparait

une ruse retorse,

comme en invente les brigands

au plus noir de la nuit.

Le soleil par-delà la terre

plongeait dans l’océan

avec ses chevaux et son char ;

c’est alors qu’Hermès

atteignit en courant l’ombre

des montagnes de Piérie2 ;

les dieux bienheureux ont là des étables

pour leurs vaches immortelles

qui broutent dans les prairies

tendres et jamais fauchées.

Le fils de Maïa,

l’Argeïphontès qui remarque tout,

enleva du troupeau

cinquante vaches meuglantes.

Il les fit marcher en zigzag

sur un terrain sablonneux ;

pour que leurs traces soient à l’envers

il se souvint d’une ruse :

il les faisait marcher à reculons,

la tête du troupeau en queue,

la queue en tête, et lui-même

allait tout au rebours.

Il jeta d’emblée ses sandales

sur le sable de la plage.

Il s’en tressa d’autres (comment les dire?),

absurdes, merveilleuses,

avec du tamaris et des tiges

comme celles du myrte.

Il fit un lien à ces fagots

de branches toutes jeunes,

il se les fixa doucement au pieds :

c’étaient des sandales légères

avec toutes les feuilles

qu’Argeïphontès le magnifique

avait cueillies en Piérie

pour avoir la tâche plus facile ;

il avait des secrets pour faire vite une longue route.

Un vieil homme le vit venir,

qui taillait sa vigne en fleur ;

il le vit aller vers la plaine

à travers l’herbage d’Onchestos1 ;

le fils de l’illustre Maïa

fut le premier à parler :

« Vieil homme qui pioches ta vigne,

les épaules toutes courbées,

tu auras du vin en quantité

quand tout cela donnera.

Tâche de voir sans voir,

d’entendre en étant sourd,

et de te taire : ce n’est pas

à ton bien qu’on en veut. »

1: ville de Béotie connue pour son sanctuaire consacré à Poséïdon

2:La Piérie est au pied de l’Olympe, dans le nord de la plaine Thessalienne

V.62-92

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Création le la lyre; Hymne 4, pour Hermès ; Hymnes Homériques ; Hésiode

Elle mit au monde un enfant,

plein de ruses et de séductions.

C’est un brigand, il vole le bétail,

il amène les rêves,

il est aux aguets la nuit,

il veille aux portes. Bientôt

il ferait voir des merveilles

parmi les dieux qui ne meurent pas.

Il est né à l’aurore ; dès midi

il jouait de la cithare ;

quand vint la soir il vola

les vaches d’Apollon l’Archer.

Il naquit le quatre du mois,

de Maïa la souveraine.

À peine il avait jailli

du ventre immortel de sa mère ;

déjà il ne voulait plus

rester dans le berceau sacré ;

il sauta sur ses pieds, pour aller

chercher les vaches d’Apollon ;

il franchit d’une enjambée

le seuil de la haute caverne.

Là il trouva une tortue

dont il eut mille bonheurs.

Hermès est la premier qui fabriqua

une tortue qui chante.

Il se trouva nez à nez avec elle

à la porte de la cour,

comme elle broutait la bonne herbe

juste devant la maison,

marchant à petit pas. Le bienfaiteur,

le fils de Zeus,

la vit et se mit à rire.

Et voici ce qu’il dit soudain :

« Jolie trouvaille, et bien utile,

à na pas mépriser.

Bonjour, ma jolie, ma danseuse,

allons ensemble à la fête !

C’est charmant, ce que je vois.

D’où sort ce joli jouet ?

Une coquille pleine de reflets,

une tortue des montagnes.

Je te prends, je t’emporte à la maison ;

tu vas me servir.

Mais bien sûr ! Je te respecte :

je suis le premier à t’utiliser.

Tout ramener à la maison ;

ce qui reste dehors peut se perdre.

Tu seras une amulette

contre les sortilèges qui font mal,

si tu vis. Mais si tu mourais,

que tu chanterais bien! »

Voilà ce qu’il dit, il la souleva

avec ses deux mains ;

et il entra dans la maison

en portant le joli jouet.

Alors il la retourna ;

avec un ciseau de fer pâle,

il creusa la tortue des montagnes

pour enlever la moelle.

Comme une pensée aiguë

traversa soudain le cœur

d’un homme que les soucis

ne laissent pas en paix

ou comme on voit des éclairs

passer dans un regard,

ainsi Hermès le magnifique

vit soudain quoi dire et quoi faire.

Il coupa à la juste mesure

des roseaux et les fixa

en traversant sur le sommet

l’écaille de la tortue.

Avec astuce il étendit

tout autour une peau de vache ;

il ajouta deux bras,

avec la traverse qui les joint,

puis d’un boyau de mouton il fit

sept cordes justes qu’il tendit.

Et quand il eut sans s’interrompre

fabriqué le joli jouet,

il essaya corde à corde

avec un plectre, et sous sa main

la résonance fut superbe.

Le dieu chantait à voix claire,

il improvisait, il inventait,

comme les jeunes gens

qui dans les fêtes font un concours

à qui dira la pire injure.

Il chantait Zeus le Kronide

et Maïa aux belles sandales,

comment ils se rencontrèrent,

comment l’amour les mit ensemble.

Il donnait ainsi de la gloire

à sa propre naissance.

Il fit l’éloge aussi des chambrières,

du beau palais de la nymphe,

des trépieds qu’on voyait dans les salles,

des chaudrons intarissables.

Voila ce qu’il chantait, mais dans sa tête

il avait d’autres idées.

V.13-62

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Création et mort de la Bête; Hymne 3, pour Apollon ; Hymnes Homériques ; Hésiode

Proche est une source aux belles eaux ;

c’est là que le prince,

le fils de Zeus, avec son arc puissant,

tua la Bête,

la grande , l’énorme monstre des champs,

qui avait fait

bien du mal aux hommes sur la terre,

bien du mal à eux d’abord,

bien du mal aux moutons qui ont les pattes fines.

Funeste fléau.

Elle avait nourri, l’ayant reçu

d’Héra (son trône est d’or),

Typhaôn le terrible, le cruel,

fléau de ceux qui meurent,

celui qu’Héra, en colère,

contre Zeus le père, avait enfanté,

quand le Kronide avait fait naître

Athéna la magnifique,

de sa tête. Héra le souveraine

se mit soudain en fureur

et devant les dieux assemblés

voici ce qu’elle dit :

« Écoutez-moi, vous tous, les dieux

et vous, toutes les déesses,

voyez comment m’a offensée

Zeus Maître-des-Nuages.

C’est lui qui a commencé. Moi, j’ai été

toujours une épouse parfaite.

Il a mis au monde sans moi

Athéna Yeux-de-chouette

qui se distingue au milieu

de tous les bienheureux immortels.

Mais au milieu de tous les dieux

il est né infirme,

mon fils Héphaïstos, il est bétourné,

lui que j’ai enfanté.

Je l’ai saisi de mes mains

je l’ai jeté dans la vaste mer.

Mais voici que la fille de Nérée

Thétis Pied-d’Argent,

l’a recueilli, a pris soin de lui

avec toutes ses sœurs.

Il y avait pourtant d’autres moyens

pour plaire aux dieux bienheureux.

Cruel, on ne sait pas ce que tu penses,

qu’es-tu en train d’inventer ?

Comment as-tu osé faire tout seul

Athéna Yeux-de-chouette ?

Je pouvais la faire, moi. Et on dit

que je suis ton épouse,

parmi ceux qui ne meurent pas,

ceux qui ont leur maison sur l’Olympe.

Prends garde : ce que je vais inventer

pourrait te faire mal.

Dès maintenant, moi, je vais m’arranger

pour que naisse

un fils à moi, qui se distingue parmi

tous les bienheureux immortels.

Je le ferai sans souiller ton lit,

qui est saint, ni le mien.

Non, je n’entrerai pas dans ton lit,

mais, séparée de toi,

je serai tout de même en compagnie

des dieux qui ne meurent pas. »

Voila ce qu’elle dit, et, en colère,

elle s’en alla loin des dieux.

En suite, elle lança le cri magique,

la reine Héra Yeux-de-vache ;

à main plate elle frappa

le sol et dit ces paroles :

« Écoutez-moi, Terre

et toi, Ciel, par-dessus,

et vous, dieux Titans,

vous qui habitez sous la terre

autour du vaste Tartare,

d’où viennent les hommes et les dieux ;

écoutez-moi, vous tous

et faites que j’aie un enfant

toute seule, sans Zeus,

qui ne soit pas moins fort que lui.

Qu’il soit à Zeus

ce que Zeus Tout-Voyant fut à Kronos. »

Ce disant de sa forte main

elle battit la terre.

La terre qui donne la vie en fut secouée. Ce que voyant

l’autre en eut grande joie en son cœur.

Elle croyait réussir.

Depuis ce moment-là

pendant une année tout entière

elle n’entra plus jamais

dans le lit de Zeus le subtil;

Elle ne s’assit plus jamais,

comme autrefois, sur la chaire

tout ornée de figures pour lui dire

ses profondes pensées.

Restant dans ses temples

où l’on ne cesse de prier,

elle prenait plaisir aux rites,

la souveraine Héra Yeux-de-vache.

Mais lorsque les mois

et les jours furent révolus,

lorsque l’année eut fait son tour

et que les saisons revinrent,

ce qu’elle enfanta ne ressemblait

ni au dieux ni aux mortels ;

c’était l’affreux Typhaôn,

malheur pour les mortels.

Elle le prit tout de suite,

la souveraine Héra Yeux-de-Vache,

et le donna, horreur, à une horreur

qui le reçut.

Il causait des maux sans nombre

aux fameuses tribus des hommes.

Pour la bête, qui la rencontrait

rencontrait le jour de sa mort,

jusqu’au moment où l’Archer,

le prince Apollon, lança la flèche

dure. Et saisie par les souffrances

qui la déchiraient,

la Bête se roula par terre

en haletant fortement.

Elle fit un cri prodigieux

(les mots ne le diraient pas).

Dans la forêt elle se tordit

sans cesse et en tout sens. Enfin

elle creva, crachant le sang.

Et Phoïbos Apollon la maudit :

« Pourris maintenant ici,

sur la terre qui nourrit les hommes.

Tu as fini d’être un malheur

sinistre pour les hommes

vivants. Eux, qui mangent les fruits

de la terre généreuse,

viendront ici pour le sacrifice

avec des victimes parfaites.

De la mort sans pitié personne

ne te sauvera,

ni Typhôeus, ni la Chimère

qu’il ne faut pas nommer. La terre

noire te fera pourrir ici

avec Hypérion rayonnant. »

Voila comment il la maudit.

Pour elle, l’obscur

voila ses yeux. La sainte force

du Soleil la fit pourrir

sur place. Et le lieu a nom Pythô

encore aujourd’hui. Le prince

est appelé Pythien, c’est son surnom,

car en ce lieu

la force vive du soleil

a fait pourrir le monstre.

V.300-374

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Descendance non exhaustive de Zeus; Hésiode; Théogonie

1, qui en sait plus long que les dieux et que les hommes qui meurent. Mais au moment où elle allait accoucher d’Athéna yeux-de-Chouette alors il trouva le moyen de la tromper par son astuce. En lui disant des douces paroles il la mit dans son propre ventre. C’était sur les conseils de Terre et de Ciel plein d’étoiles ; Ils voulaient empêcher que parmi les dieux qui vivent à jamais quelqu’un, un autre que Zeus, prenne la dignité royale. D’elle devaient naître des enfants d’une grande intelligence : une fille d’abord, Tritogénéïa2 Yeux-de-Chouette, avec la force d’âme de son père et un esprit profond ; mais ensuite elle allait mettre au monde un enfant qui deviendrait roi des hommes et des dieux, violent, arrogant à l’extrême. Mais Zeus dès l’abord l’engloutit dans son propre ventre, pour que, déesse, elle lui dise ce qui est bon, ce qui ne l’est pas. ………. Tout seul il fit naître de sa tête Tritogénéïa Yeux-de-Chouette ; terrible, elle appelle à la lutte, elle mène les armées ; rien ne la lasse, elle règne ; elle aime la guerre et les combats ……………….. Pour Zeus Maïa, fille d’Atlas, enfanta Hermès le glorieux. Le messager des dieux. Elle était entré dans le lit sacré. Sémélé la Cadméenne enfanta pour lui un fils superbe (ils avaient fait l’amour), Dionysos qui donne toute joie. Elle mortelle, lui non. Tous les deux le sont maintenant. ………………. 1:On pourrait traduire « mètis » par « subtilité », mais aussi par « sagesse ». L’adjectif dérivé « mètiéta » est une épithète favorite de Zeus. Ne pas oublier que la sagesse, dans la Grèce archaïque, est parfois plus proche de l’astuce que de la résignation. Ulysse reste le modèle. 2:Tritogénéïa=Athéna. L’épithète, qui ne s’applique qu’à Athéna, a donné lieu à des interprétations très diverses. Elle demeure mystérieuse. v 886-900 ; 924-926 ; 938-942]]>

Prémices de la Titanomachie, naissance de Pandôra, Prométhée et Zeus; Hésiode; Théogonie

Voici ce que dit, hors de lui,

Zeus Maître-des-Nuages :

« Fils de Iapétos1, toi qui en sais

plus long que quiconque,

mon bon ami, tu t’es bien rappelé

ton astuce perverse. »

Ainsi parla Zeus en sa colère

(ses projets ne sont pas vains)

Depuis ce temps, et pour toujours,

il garda cette ruse en mémoire.

Il ne lançait plus sur les frênes

la fureur du feu qui ne faiblit pas

pour que s’en servent les hommes qui meurent

habitants de la terre.

Mais le vaillant fils de Iapétos

sut le tromper ; il vola

la lumière – on la voit de loin-

du feu qui ne faiblit pas,

en la cachant dans un roseau.

Zeus Tonnerre-très-haut

au fond du cœur sentit une morsure

et son cœur fut plein de bile,

quand il vit parmi les hommes

la lumière du feu – on la voit de loin.

Alors, en échange du feu,

il fabriqua pour les hommes un mal.

Celui-qui-boite – on le connaît bien-

façonna de la terre en forme de fille timide

comme le Kronide le voulait.

Athéna Yeux-de-Chouette

lui donna une ceinture

et une robe d’argent. Sur la tête

elle plaça de ses mains

un voile richement brodé,

merveilleux à regarder,

avec des couronnes,

fleurs cueillies dans une prairie fraîche,

charmantes fleurs que sur sa tête

plaça Pallas Athéna.

Et sur sa tête elle posa

un diadème d’or

que Celui-qui-boite avait fait

lui-même – on le connaît bien-

travail de ses mains pour faire

plaisir à Zeus le père2.

On voyait là beaucoup de détails ciselés,

merveilleux à regarder,

beaucoup d’animaux, de ceux que font vivre

la terre ou la mer ;

il en avait mis des foules,

-lumineuse beauté-,

merveilles de merveilles,

on aurait dit qu’ils avaient une voix.

Lorsque Zeus eut fabriqué ce beau mal,

mal, et non bien,

il l’amena au lieu où se trouvaient

hommes et dieux,

dans la parure donnée par Yeux-de-chouette,

fille d’un père puissant.

Stupeur des dieux qui ne meurent pas

et des hommes qui meurent,

quand ils virent ce piège effroyable,

trop subtil pour les hommes.

C’est de celle -là que vient la lignée

des femmes qui sont femmes.

D’elle vient la lignée pernicieuse,

la tribu des femmes,

qui vivent comme une peste,

avec les hommes qui meurent,

toujours près d’eux quand règne l’abondance,

jamais quand mort la misère.

C’est ainsi que, dans le creux

où sont les essaims, les abeilles

nourrissent les faux bourdons,

modèles de méchanceté.

Elles, tout au long du jour

et jusqu’au coucher du soleil,

tout le jour elles se dépêchent,

fabriquent la cire blanche.

Eux restent à l’intérieur

dans les ruches bien couvertes

et mettent le travail d’autrui

à l’abri dans leur propre bedaine.

Voilà exactement la peste

que Zeus Tonnerre-très-haut

a donné aux hommes qui meurent :

modèle d’abomination,

les femmes. Il leur donna un beau mal,

mal, et non bien.

1:Prométhée

2:Pandôra signifie « tous les dons » ou « dons de «tous »

v 558-602

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Hécate; Hésiode; Théogonie

Généreuse dans les pâtis

avec Hermès elle (Hécate) multiplie

les vaches en troupeau

et les grandes tribus de chèvres

et les brebis laineuses par centaines

pour peu qu’elle en ait envie.

De peu elle fait beaucoup,

de beaucoup plus encore.

Elle a beau être fille

unique de sa mère

tous ceux qui ne meurent pas

lui font honneur avec des cadeaux.

Et le fils de Kronos

veut qu’elle donne pitance

à ceux dont les yeux regardent

les rayons d’Aurore Toute-Voyante.

Ainsi, dès le début, elle élève la jeunesse.

Tels sont ses privilèges.

v 444 à 452

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