Pour résumer brièvement la théorie à laquelle les faits précédents nous conduits jusqu’ici, nous dirons que, de même que les rites intichiuma des Australiens sont, le plus souvent, des cérémonies magiques destinées à assurer la réincarnation des esprits d’animaux et de plantes comestibles, de même leurs rites d’initiation peuvent être considérés comme des cérémonies magiques destinées surtout à assurer la réincarnation d’âmes humaines. Or l’unique raison de provoquer la renaissance d’animaux et de plantes est de les manger. La raison ne pourrait-elle servir à expliquer les tentatives de résurrection de morts humains ? On le croirait, car toutes les tribus du golfe de Carpentaria que Spencer et Gillen ont étudiées mangent leurs morts, et leurs cérémonies et leurs traditions indiquent que les ancêtres des Aruntos mangeaient également les membres de leurs tribus. À cet égard, la coutume de la tribu Binbingas est particulièrement instructive. Chez eux, en effet, on découpe le corps du mort qui est mangé, non par les hommes des la même subdivision de classe que le défunt, pais par ceux qui appartiennent aux subdivisions constituant l’autre moitié de la tribu où les mariages sont permis entre les membres. La pratique est conforme à celle que suivent à présent toutes les peuplades centrales et septentrionales quand elles mangent l’animal ou la plante totémique. Chez elles, chaque classe qui a pour totem un animal ou une plante comestible est supposé fournir cet animal ou cette plante aux autres clans pour les alimenter ; de même, chez les Binbingas, les hommes de chaque subdivision particulière apportent positivement leur propre corps comme aliment aux membres intermariables de l’autre moitié de la tribu. Et de même que dans un passé lointain, les membres d’un clan totémique semblent s’être nourris régulièrement (toutefois pas exclusivement, ou même peut-être pas principalement) de leur animal ou plante totémique, de même dans un temps éloignés, ils semblent que régulièrement ils se mangeaient entre eux. Ainsi le clan du chien sauvage chez les Aruntas, conserve nombre de traditions qui prétendent que leurs ancêtres tuaient et mangeaient des hommes et des femmes du clan du chien sauvage. Il est probable que ces traditions perpétuent le souvenir exact d’un état des choses encore plus barbare que la coutume actuelle des Binbingas. Dans ces siècles plus ou moins lointains, s’il faut en croire les quelques renseignements épars fournis par la coutume et la légende qui constitue la seule preuve sur laquelle nous puissions nous appuyer, les hommes et les femmes d’un clan totémique, contrairement au mépris des pratiques de siècles plus récents, cohabitaient ensemble, mangeaient leur totem et dévoraient réciproquement leurs cadavres. Durant un tel état de choses, il n’y avait pas de démarcation bien nette, soit en théorie, soit en pratique, entre un homme et son totem ; cette confusion du reste se trouve répétée par les légendes, dans lesquelles il est souvent difficile si l’ancêtre totémique dont il est parlé est un homme ou un animal. Et si on s’arrangeait pour les ressusciter tout deux, il est fort possible qu’au début ce ne fût que dans le but de les manger une seconde fois. Ce système était entièrement pratique dans sa conception ; on ne se trompait guère que sur le moyen d’atteindre le but. Il ne s’agissait nullement de religion, à moins que nous ne consentions à donner le nom de religion au métier d’éleveur et de maraîcher ; il est certains que ces sauvages élevaient des animaux et des plantes, et peut-être même des hommes pour les mêmes raisons qu’un éleveur ou un maraîcher élèvent des bestiaux et font pousser des légumes. …. Bref, le totémisme, tel qu’il existe à présent chez ces tribus paraît surtout être une tentative grossière et même enfantine pour satisfaire mes besoins essentiels de l’homme, en particulier dans les conditions pénibles où il se trouve placé au milieu des déserts de l’Australie centrale, en créant magiquement tout ce dont un sauvage peut avoir besoin, et en premier lieu les aliments. pg74-75 Frazer et le cycle du rameau d’or, Nicole Belmont et Michel Izard, Laboratoire d’anthropologie sociale; Collège de France.]]>
Que sera demain, que peut-on croire, que cesse ce doute….. ; Effondrement ; Jared Diamond
On s’interroge toutefois aujourd’hui sur le sérieux de ces problèmes environnementaux. Les risques sont-ils considérablement exagérés, ou au contraire sont-ils sous-estimés ? Peut-on raisonnablement affirmer que les quelques sept milliards d’individus qui composent actuellement la population mondiale, Continuer la lecture de « Que sera demain, que peut-on croire, que cesse ce doute….. ; Effondrement ; Jared Diamond »
Ce sont les efforts que nous accomplirons aujourd'hui qui détermineront l'état du monde de demain ; Effondrement ; Jared Diamond
L’inquiétude face à ce risque d’effondrement prend aujourd’hui une ampleur croissante. De fait, il s’est déjà produit pour la Somalie, le Rwanda ainsi que pour d’autres pays du Tiers-Monde. Nombreux sont ceux qui pensent que, pour la société mondiale, l’écocide est aujourd’hui une des plus grande Continuer la lecture de « Ce sont les efforts que nous accomplirons aujourd'hui qui détermineront l'état du monde de demain ; Effondrement ; Jared Diamond »
L'abandon mystérieux des fins de civilisation ; Effondrement ; Jared Diamond
Une question revient de manière lancinante:notre propre société prospère est-elle menacée du même sort ultime , en sorte qu’un jour des touristes médusés admireront les débris rouillés des gratte-ciel New-Yorkais comme aujourd’hui nous contemplons les ruines des cités mayas englouties par la jungle ?
Funérailles Royale, Enquête, Hérodote
Les tombes de leurs rois sont dans le pays Gerrhiens, où le Borysthène cesse d’être navigable. A là mort du roi, ils creusent là-bas une grande fosse carrée; quand elle est prête, ils prennent le cadavre qui a été recouvert de cire et dont le ventre a été ouvert, vidé, rempli de souchet broyé, d’aromates, de graines de persil et d’anis, et recousu ensuite; ils le placent sur un chariot et l’emmènent dans une autre de leur tribus. Le peuple qui accueille le corps sur son territoire se livre aux mêmes manifestations que les Scythes Royaux: ils se coupent un bout d’oreille, se rasent le crâne, se tailladent les bras, se déchirent le front et le nez, se transpercent de flèche la main gauche. Puis le corps du roi, toujours sur son chariot, passe chez un autre peuple de l’empire, accompagné de ceux qui l’ont reçu d’abord. Lorsque le mort et son cortège ont passé chez tous leurs peuples, ils se trouvent chez les Gerrhiens, aux confins de leur empire et au lieu de la sépulture: alors, après avoir déposé le corps dans sa tombe sur un lit de verdure, ils plantent des piques autour de lui, fixent des ais par-dessus et les recouvrent d’une natte de roseaux; dans l’espace demeuré libre ils ensevelissent, après les avoir étranglés, l’une de ses concubines, son échanson, un cuisinier, un écuyer, un serviteur, un messager, des chevaux, avec les prémices prélevés sur le reste de ses biens et des coupes d’or, mais ni argent ni cuivre ; après quoi tous rivalisent d’ardeur pour combler la fosse et la recouvrir d’un tertre aussi haut que possible.
Lorsqu’un an s’est écoulé, ils font une nouvelle cérémonie : ils prennent, dans la maison du roi, ses serviteurs les plus utiles – tous de race scythe, car le roi désigne lui-même qui le servira : il n’y a pas d’esclaves achetés en ce pays- ; ils en étranglent cinquante, ainsi que les cinquante chevaux les plus beaux, en vident et nettoient le ventre, les bourrent de paille et les recousent. Puis ils fixent sur des pieux la moitié d’une roue, la jante tournée vers le sol ; ils font la même chose pour l’autre moitié, et enfoncent en terre un grand nombre de ces supports. Ensuite ils passent une perche solide dans le corps de chacun des chevaux, en long, jusqu’à la nuque, et les posent sur les roues : l’un soutient la tête à la hauteur des épaules, l’autre supporte le ventre à la hauteur des cuisses ; les pattes restent pendante et ne touche pas le sol. Ils mettent aux chevaux un mors et une bride qu’il tirent en avant de la bête et fixent à des piquets. Chacun des cinquante jeunes gens étranglés est alors placé sur son cheval ; pour cela, chaque corps est transpercé verticalement par un pieu, le long de la colonne vertébrale, jusqu’à la nuque ; l’extrémité inférieure du pieu dépasse le corps et s’emboîte dans une cavité ménagée dans l’autre pièce de bois, celle qui traverse le cheval. Ils installent ces cavaliers en cercle autour du tombeau, puis ils s’en vont.
Pg 389-390
L’Enquête, Livre IV, Hérodote, Edition d’André Barguet, folio classique.
]]>Coutumes de Issédones, Enquête, Hérodote
Voici, dit-on, les coutumes des Issédones. Lorsqu’un homme a perdu son père, tous ses proches lui apportent du bétail ; les animaux sont sacrifiés et dépecés, puis ont découpe également le cadavre du père, on mêle toutes les viandes et l’on sert un banquet. La tête du mort, soigneusement rasée, vidée, est recouverte de feuilles d’or et devient pour eux une image sacrée à laquelle on offre tous les ans des sacrifices somptueux. Le fils rend cet honneur à son père, de même qu’en Grèce on célèbre le jour anniversaire de la mort. Au reste les Issédones sont eux aussi, dit-on vertueux, et les femmes ont chez eux les mêmes droits que les hommes.
Pg 369-370
L’Enquête, Livre III, Hérodote, Edition d’André Barguet, folio classique.
]]>La force de la coutume, Enquête, Hérodote
Ndlr : Au sujet des folies de Cambyse
En définitive, il me semble absolument évident que ce roi fut complètement fou ; sinon, il ne se serait pas permis de railler les choses que la piété ou la coutume commande de respecter. En effet, que l’on propose à tous les hommes de choisir, entre les coutumes qui existent, celles qui sont les plus belles et chacun désignera celles de son pays – tant chacun juge ses propres coutumes supérieures à toutes les autres. Il n’est donc pas normal, pour tout autre qu’un fou du moins, de tourner en dérision les choses de ce genre. – Tous les hommes sont convaincus de l’excellence de leurs coutumes, en voici une preuve entre bien d’autres ; au temps où Darius régnait, il fit un jour venir les Grecs qui se trouvaient dans son palais et leur demanda à quel prix ils consentiraient à manger, à sa mort, le corps de leur père : ils répondirent tous qu’il ne le feraient jamais, à aucun prix. Darius fit ensuite venir les Indiens qu’on appelle Callaties1, qui eux, mangent leurs parents ; devant les Grecs (qui suivaient l’entretien grâce à un interprète), il leur demanda à quel prix il se résoudraient à brûler sur un bûcher le corps de leur père : les Indiens poussèrent les hauts cris et le prièrent instamment de ne pas tenir de propos sacrilèges. Voila bien la force de la coutume, et Pindare a raison, à mon avis, de la nommer dans ses vers « la reine du monde » .
1:ou Callanties, peut-être identiques aux Padéens, mangeurs de viande crue. « Voici, dit-on leur coutume : quand l’un des leurs, homme ou femme, tombe malade, on le tue ; si c’est un homme, il es t achevé par des hommes, ses plus proches parents ou amis -car, disent-ils, la maladie le ferait aigrir et sa chair ne serait plus bonne. Le malade a beau nier son état, les autres refusent de l’écouter, le tuent, et s’en régalent. S’il s’agit d’une femme, ses meilleures amies agissent envers elle de la même façon. Ils ont coutume, en effet, de sacrifier et manger quiconque parvient à la vieillesse ; mais rares sont ceux qui arrivent jusque-là, car ils mettent à mort sans attendre davantage toute personne qui tombe malade. D’autres Indiens (des Yogis ou les ascètes du Jaïnisme ou du Bouddhisme.) ont des coutumes différentes : ils ne tuent aucun être animé, ne sèment pas, ignorent l’usage des maisons et se nourrissent d’herbes ; ils on tune graine de la grosseur du millet enfermées dans une cosse, et qui pousse sans culture (le riz), ils la recueillent, la font bouillir sans la décortiquer, et s’en nourrissent. Quand l’un d’eux tombe malade, il va se coucher à l’écart et personne ne s’occupe de lui, pas plus après sa mort que pendant sa maladie.
Pg 286-287
L’Enquête, Livre III, Hérodote, Edition d’André Barguet, folio classique.
]]>Ceux qui remettent l'accomplissement de soi à la fin de leur vie parviennent à cet âge à l'équivalent d'une seconde et pitoyable enfance; Autobiographie; Gandhi.
Je connais bien cette superstition, qui veut que l’accomplissement de l’être ne soit pas possible qu’au quatrième stade de la vie : celui de sannyâsa. Mais n’importe qui sait parfaitement que ceux qui remettent leur préparation à cette inestimable expérience au dernier stade de la vie, parviennent non pas à l’accomplissement de soi, mais à la vieillesse, c’est-à-dire à l’équivalent d’une seconde et pitoyable enfance, qui fait de leur vie l’analogue d’un fardeau en ce monde. Je me rappelle parfaitement que j’étais déjà de cet avis, alors même que j’enseignais -autrement dit : en 1911 et 1912 – sans, peut-être, l’exprimer dans les mêmes termes.
pg 430-431
La formation de l’esprit; Autobiographie ou mes expériences de vérité; Mohandas Karamchand Gandhi; puf; 2007
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