Mythologie et misogynie ; Gazalé

En Grèce, les vagues successives d’envahisseurs (achéens, ioniens, doriens), porteurs d’un héritage spirituel nouveau, imposent progressivement leurs valeurs guerrières et leur modèle viriarcal en luttant ardemment contre les déesses du vieux panthéon crétois. Les dieux ouraniens (ou célestes) l’emportent désormais sur les divinités chtoniennes (ou terrestres). C’est ainsi que Zeus, le Dieu du Ciel (le Dyauh des indiens védiques), vole le feu aux déesses et devient le theos suprême d’une Olympe qu’il gouverne en despote orgueilleux et tyrannique, tandis que Poséidon, dieu chtonien, est en régression. Dans de nombreux sanctuaires (Délos, Delphes, Dodone, Claros…), un dieu oraculaire mâle, Apollon, se substitue aux anciennes déesses crétoises Déméter, Gaïa et Rhéa.

Partout, l’ordre apollinien tente de réprimer et de refouler le désordre dionysiaque des monstres matriarcaux : qu’il du combat victorieux d’Apollon contre le dragon femelle Python ou encore de la guerre menée par Zeus contre les Titanides, divinités primordiales pré-olympiennes, c’est toujours la même lutte des fils contre une Grande Déesse démoniaque qui s’exprime dans les récits mythologiques. Car, à l’image de ces terrifiantes figures maternelles, la femme fait peur, elle terrifie, même, surtout quand elle est belle…

Le versant néfaste de la féminité est sans cesse rappelé par Homère qui, dans l’Odyssée, évoque à de nombreuses reprises la séduction maléfique exercée sur Ulysse tantôt encore par les sirènes, tantôt par Circé, la prostituée sacrée qui change les compagnons du roi d’Ithaque en pourceaux, tantôt encore Calypso, la nymphe «aux belles boucles» qui le retient sept ans sur son île. La plus funeste d’entre toutes est la somptueuse Hélène, dont la beauté a entraîné tout un peuple dans l’absurde guerre de Troie racontée dans l’Iliade. Le message est sans ambiguïté : la puissance érotique des femmes est le plus grand des dangers.

Mais c’est surtout à Hésiode que l’on doit la première expression de la misogynie grecque, appelée à une belle et longue postérité. Tandis qu’Homère rendait encore hommage à la fidélité de Pénélope ou se montrait touché par l’émouvante lamentation de Briséis sur le corps de Patrocle1, l’auteur de la Théogonie n’aura pas de mots assez sévère à l’endroit du genos gunaikon , la «race des femmes», à commencer par la première d’entre elles, la maudite Pandore, née de la colère de Zeus contre le Titan Prométhée, le voleur du feu dérobé aux Déesses.

Pour le punir, le dieu du Ciel envoie Pandore sur terre. Parée d’une robe blanche et d’un voile «au mille broderies, merveille pour les yeux», coiffée d’un diadème d’or, la créature « au beau corps aimable de vierge» est comblée de présents par les dieux, d’où son nom qui signifie «tous les dons». Puis elle est remise aux hommes, pour leur plus grand malheur, car «c’est de là qu’est sortie la race, l’engeance maudite des femmes, terrible fléau installé au milieu des mortels».

Le mythe est repris dans Les travaux et les jours, où la colère de Zeus s’exprime en ces termes : «Moi, en place du feu, je leur ferai présent d’un mal en qui tous, au fond du cœur, se complairont à entourer d’amour leur propre malheur». Aphrodite est chargée de transmettre à Pandore « le douloureux désir», Hermès de la doter d’un «esprit impudent» et d’un «cœur artificieux». La suite est bien connue : belle comme la nuit, curieuse comme une fouine, la jeune femme brave l’interdit de Zeus, soulève le couvercle de la jarre qu’il lui a offerte pour ses noces et en laisse échapper les tourments, «les peines, la dure fatigue, les maladies douloureuses qui apportent le trépas aux hommes». La guerre, la famine, le vice, la tromperie, la passion, ainsi que tous les autres maux s’abattent sur l’humanité, tandis que l’espérance reste emprisonnée dans la funeste boite.

1 : Voir Robert Flacelière, L’amour en Grèce,Paris, Hachette, 1960

Le mythe de la virilité, un piège pour les deux sexes ; Olivia Gazalé ; Robert Laffont ; 2017 ; p. 72-73

grecque, mythologie

Simulacre de naissance en guise de cérémonie d’adoption; Frazer; Le Rameau d'or.

Ce principe d’imitation, si cher aux enfants, a conduit certains peuples à faire d’un accouchement simulé une cérémonie d’adoption ; un tel simulacre servira aussi à faire ressusciter un faux mort. Si l’on feint de mettre au monde un garçon, voire un gros bonhomme barbu n’ayant pas une seule goutte de votre sang dans les veines, il est évident, suivant la philosophie et la loi primitives, que ce garçon ou ce gros bonhomme est bien véritablement votre fils à tous les égards. A ce propos Diodore nous raconte que Zeus, ayant décidé Héra, sa compagne jalouse, à adopter Hercule, la Déesse s’alité, pressa sur son sein le héros corpulent, le fit passer sous ses jupes, puis choir à terre mimant ainsi un réel accouchement ; l’historien ajoute que, de son vivant, les barbares en usaient ainsi, quand il s’agissait d’adopter un enfant. On raconte que de nos jours les choses se passent encore de même en Bulgarie et parmi les Turcs de Bosnie. Quand une femme désire prendre un fils adoptif, elle le fait passer sous ses jupes ; désormais il est considéré comme son propre fils et l’héritier de la propriété entière de ses parents adoptifs. Pg54 Frazer et le cycle du rameau d’or, Nicole Belmont et Michel Izard, Laboratoire d’anthropologie sociale; Collège de France.]]>

Artémis La Chaste; Frazer; Le Rameau d'or.

En tant que Moderne, nous nous représentons volontiers Artémis/Diane comme le type accompli de la déesse pudibonde qui a un penchant pour la chasse. Aucune idée ne peut-être plus éloignée de la vérité. Pour les anciens, au contraire, elle était la personnification de la vie sauvage de la nature, -vie des plantes, des animaux et des hommes – dans toute l’exubérance et la profusion de sa fertilité. ….. « Sa fureur se manifestait par des destructions : dépérissement de la végétation, incursions des bêtes sauvages dans ses champs ou ses vergers, tout comme dans la fin dernière et mystérieuse de la vie que l’on nomme mort. Et cette divinité n’était pas , à la manière de la terre conçue comme déesse, une personnification vide : car de telles abstractions sont ignorées des religions primitives ; c’était une force universelle de la nature, l’objet partout d’une même foi, bien que son appellation différât avec l’endroit où elle était supposée habiter ; tantôt on insistait sur son aspect aimable, et tantôt sur son caractère farouche ; tantôt sur tel autre côté de son énergie qu’on révérait spécialement. Et comme les Grecs, dans la nature animée, divisaient tout en mâles et femelles, ils ne pouvaient pas imaginer cette puissance féminine de la nature sans sa contrepartie masculine. C’est pourquoi dans bon nombre de cultes les plus anciens, on trouve Artémis associée à un dieu de la nature de caractère analogue, à qui la tradition existante assignait des noms différents selon les endroits. En Laconie, par exemple, elle avait pour compagnon le vieux dieu péloponésien Karneïos ; en Arcadie, c’était souvent Poséïdon ; ailleurs, c’était Zeus, Apollon, Dionysos, etc,… »1. La vérité est que le mot parthénos, qu’on applique à Artémis et qu’on traduit généralement par vierge, désigne simplement une femme non marièe2, et dans les temps anciens les deux choses n’étaient nullement les mêmes. A mesure que les moeurs s’épurent chez eux, les hommes imposent à leur dieux, un code plus stricte de moralité ; on passe sans appuyer sur le cruauté, la fausseté et la luxure de ces divines créatures, ou même on les considère uniquement comme des blasphèmes, et on confie à ces vieux coquins la garde de loi qu’ils transgressaient auparavant. En ce qui concerne Artémis, même le mot ambigu parthenos semble avoir été simplement une épithète populaire, non un titre officiel. Comme le Dr. Farnell l’a parfaitement souligné, il n’y avait pas de culte publique d’Artémis la Chaste ; et pour autant que ses titres sacrés se rapportent aux relations des sexes, ils démontrent au contraire, qu’elle s’intéressait, comme Diane en Italie, à la perte de virginité et à la grossesse, et que non seulement elle aidait les femmes à concevoir et à enfanter, mais qu’elle les y encourageait ; et même, s’il faut en croire Euripide, elle n’adressait même pas la parole aux femmes sans enfants. De plus, fait significatif, tandis que ses titres et les allusions à ses fonctions la désigne clairement comme la patronne de la naissance, aucun ne la reconnaît distinctement comme la divinité du mariage3. Toutefois rien ne met le véritable caractère d’Artémis comme déesse de la fécondité, mais pas du mariage, mieux en lumière que son identification constante avec les déesses asiatiques de l’amour et de la fertilité, célibataires mais non chastes, qu’on adorait à leur sanctuaires populaires selon des rites notoirement licencieux4. Pg 32-33 1:Porphyre, Vitta Pythagorae, 16. ii, 1939, de Pauly-Wissowa, l’auteur apporte à cette déclaration une abaondance de détails et de preuves auxquels je ne puis que renvoyer le lecteur. 2:Ceci est prouvé par le termePartheniai appliqué à Sparte aux hommes nés des parthenoi (femmes non marièes) pendant l’absence des hommes mariés dans la guerre de Méssénie. Voir Euphorus, cité par Strabon, VI, 3, 3, pg 279. Que cette explication soit correcte ou non au point de vue historique (d’autres explications ont été données, voir W.-L. Newman, sur Aristoe, Politics, VII (v), 7, p.1306, elle prouve que dans le grec de la meilleure période parthenos ne dénotait pas chasteté. Quant au culte des déesses non mariées en Asie occidentale, Sir W.-M. Ramsey observe : « De fait, il est probable, bien que nos connaissances ne nous permettent pas de le prouver, que le terme parthenos emploé dans le système d’Anatolie devrait être traduit simplement par « non marié » et devrait être considéré comme une preuve de l’existence religieuse du système social pré-grec. La déesse Parthénos était aussi la mère ; et quelque soit la modification apporté par le sentiment grec aux Parthenoi qui formait une partie de sa suite, il est probable, qu’à l’origine, ce terme indiquait seulement que le mariage ne les excluait pas de la vie divine. » (Cities ans Bisphories of Phrygia, I, pg 96) De même dans un passage célèbre d’Isaïe (VII, 14), le mot hébreux traduit par vierge dans la version anglaise, ne signifie rien de plus que « jeune femme ». Une traduction exacte aurait évité la nécessité du miracle que tant de génération de dévots lecteurs ignorants ont découvert dans le texte. Car tandis qu’il serait incontestablement miraculeux qu’une vierge conçoive et enfante un fils, il n’y a rien du tout de miraculeux ou même d’extraordinaire à ce qu’une jeune femme en ait un. 3:L.-R. Farnell, The Cults of the Greek States, ii, 444. Toute la manière dont le Dr.Farnell traite ce sujet est excellente (p 442-449). Il admet, sans conviction, que les épithètes peitho, Hegemone et Eukleia puissent peut-être se rapporter au mariage. Mais il est évident que « persuasion », « guide » et « bonne renomée » ne comportent en elles-mêmes aucune allusion au mariage. Le passage d’Euripide auquel il est fait allusion dans le texte est Supplice, 958 4:Ainsi elle était identifiée à Anaitis (Plutarque, Artoxerxes, 27 ; Dittenberger, Sylloge Inscr. Graec, N°775), et avec Nana (Corpus Inscriptum Atticarum, III, 11 et Josèphe, Antiquit. Ind., XII, 9). Cette Nanaea était parfois identifiée à Aphrodite au lieu d’Artémis (Appien, Syriace, 66). Elle semble avoir été l’ancienne déesse de Babylone Nana, Nanai ou Nanaia, qui n’était autre que Ishtar (Astarté) d’Erech. Voir H. Zimmern, dans Schrader, Die Keilingschriften und das Alte Testament, p.422 ; W.-H. Roscher, Lexicon der Griech, und röm. Mythologie, III, 4sq., S.V. »Nanã ». Pour ce qui est de l’identification d’Artémis avec une autre déesse-Mère sémitique, voir W. Robertson Smith, Kinship and mariage in early Arabia (Londres, 1903), p 298. Quant au culte dissolu d’Anaitis, voir Strabon, XI, 14, 16, pg 532. Et pour l’identification d’Artémis avec les déesses asiatiques de ce type, voir L.-R. Farnell, Cults of the Greek States, II, 478 sq ; Wernicke, dans Paulu-Wissowa, Encycl. d. Class. Alter., II, 1369 sq. Frazer et le cycle du rameau d’or, Nicole Belmont et Michel Izard, Laboratoire d’anthropologie sociale; Collège de France.]]>

Pierre (Partie 1); Chevalier et Gheerbrant; Dictionnaire des symboles

Pierre (Partie 1)

Dans la tradition, la pierre occupe une place de choix. Il existe entre l’âme et la pierre un rapport étroit. Suivant la légende Prométhée, procréateur du genre humain, des pierres ont conservés une odeur humaine. La pierre et l’homme représente un double mouvement de montée et de Continuer la lecture de « Pierre (Partie 1); Chevalier et Gheerbrant; Dictionnaire des symboles »

Moeurs des Scythes, Enquête, Hérodote

Moeurs des Scythes

« Les seuls Dieux qu’ils adorent sont Hestia en premier lieu, puis Zeus et la Terre dont il font l’épouse de Zeus ; viennent ensuite Apollon, l’Aphrodite céleste, Héraclès et Arès. Ces divinités sont adorées dans toute la Scythie, mais les Scythes Royaux sacrifient aussi à Poséidon. Hestia s’appelle chez eux Tabiti ; Zeus (d’un nom très juste à mon avis) : Papaios ; la terre : Api ; Apollon : Oitosyros ; l’Aphrodite Céleste : Argimpasa ; et Poséidon : Thagimasadas. Ils n’élèvent à leur dieux ni statues, ni autels, ni temples, sauf à Arès qui, lui, en a chez eux. »

Tabiti-Hestia est la déesse du foyer, son nom signifiant la brûlante » ; représentée parfois moitié femme, moitié serpent, ou flanquée de deux bêtes (chien et corbeau en particulier). Papaios-Zeus est un dieu du ciel ; Hérodote rapproche son nom du grec papos « aïeul », Zeus étant le Père, maître des dieux et des hommes. Le nom d’Api ou Apia, la Terre, rappelle plutôt le nom de l’eau dans la plupart des dialecte iraniens. Oitosyros, Apollon, dieu du soleil, est Mithra, Argimpasa, Aphrodite celèste, est la déesse de la lune. Le nom de Thagimasadas, Poséidon, dieu de la mer, reste obscur.

Pg 383-384

L’Enquête, Livre IV, Hérodote, Edition d’André Barguet, folio classique.

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La jarre de Pandôra; Les travaux et les jours; Hésiode

Autrefois les tribus des hommes

vivaient sur la terre,

protégés, loin des malheurs

sans travailler durement,

sans souffrir des tristes maladies

qui font que les hommes meurent ;

ceux qui doivent mourir

vieillissent tôt dans le malheur.

Mais la femme, de ses mains

soulevant le couvercle de la jarre,

répandit le mal parmi les hommes,

leur causa des peines cruelles.

Seule Espérance resta

dans sa maison indestructible

à l’intérieur, en deçà des bords

de la jarre, sans s’échapper

dehors ; car d’abord

le couvercle retomba sur la jarre ;

Zeus à l’égide l’avait voulu,

Zeus Maître des Nuages.

Voici que dix mille souffrances

errent parmi les hommes ;

la terre est pleine de malheur,

la mer en est pleine ;

des maladies parmi les hommes,

certaines de jour, d’autres la nuit,

voyagent selon leur caprice,

apportent aux hommes le malheur

sans rien dire, car Zeus

prudent leur a retiré la voix.

Il n’est donc pas possible d’esquiver

ce que Zeus a en vue.

v.90-105

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Le « cadeaux » de Zeus à Prométhée; Les travaux et les jours; Hésiode

Car les dieux ont dissimulé

la pitance des hommes.

Il suffirait sinon que tu travailles

une seule journée,

et tu aurais de quoi vivre

une année, sans rien faire.

Tout de suite tu suspendrais

au-dessus du feu la grande rame.

Plus de travail pour les bœufs,

pour les mules prêtes à tout.

Mais Zeus a tout dissimulé ;

son cœur était en colère ;

car Prométhée Idée-Retorse

s’était moqué de lui ;

c’est pourquoi il a imaginé

pour les hommes les durs chagrins.

Il a caché le feu ; mais alors

le fils de Iapétos, le brave,

l’a volé pour les hommes

chez Zeus le prudent, l’a emporté

dans un roseau creux, sans que le voie

Zeus Joie-de-la-Foudre.

Donc s’est fâché contre lui

et lui a dit Zeus Maître des Nuages

« Fils de Iapétos, tu sais plus de tours que quiconque,

Tu es content d’avoir volé le feu,

et de m’avoir berné,

mais il t’en viendra malheur

à toi et aux hommes à venir.

Pour ce feu je lui ferai un cadeau.

Ils en seront tous contents

s’en réjouiront dans leur cœur,

choyant leur propre mal. »

Il dit et se prit à rire,

lui, père des hommes et des dieux,

À Héphaïstos le fameux

il donne l’ordre au plus vite

de mêler de l’eau, de la terre,

d’y mettre une voix, une force

humaines, d’y façonner la forme

d’une déesse immortelle,

belle forme d’une fille

qu’on aimerait ; et qu’Athéna

lui apprenne les ouvrages,

à tisser une toile avec des motifs ;

que sur sa tête Aphrodite

toute dorée verse sa grâce

et le désir qui fait souffrir

et les soucis qui vous laissent brisé.

Il donna l’ordre à Hermès,

le messager Argeïphontès,

d’y faire entrer un cœur de chienne

et des façons sournoises.

Il dit ; ils obéirent

au prince Zeus Kroniôn.

Tout de suite le fameux Bétourné1

fabrique avec la terre

selon les projets de Zeus

l’image d’une fille timide ;

Athéna Yeux-de-Chouette, déesse,

lui donna ceinture et parure ;

Autour d’elle les Grâces, déesses,

Persuasion la souveraine

mirent sur sa peau des colliers d’or. Et les Heures

(belles chevelures!)

la couronnent

avec les fleurs de printemps.

Pallas Athéna sur sa peau

dispose toute une parure.

Et dans sa poitrine

le messager Argeïphontès

place les mensonges, et les mots

douceureux et les façons sournoises

(vouloir de Zeus qui gronde

sourdement) ; et le héraut des dieux

lui donna une voix,

et cette femme fut nommée

Pandôra, car tous ceux

qui ont leur maison dans l’Olympe

lui avaient donné un don,

peste pour les hommes qui travaillent.

Quand il eut mis au point

ce piège terrible, imparable,

le père à Épiméthée dépêche

le fameux Argeïphontès2,

messager rapide des dieux,

pour apporter le cadeau. Épiméthée

ne réfléchit pas. Prométhée

lui avait dit pourtant de ne jamais

accepter un cadeau de Zeus

l’Olympien, mais de lui

retourner, de peur qu’un mal

n’advienne à ceux qui meurent.

Mais lui, il accepta, et lorsqu’il eut

en main son malheur, il comprit.

v. 42-89

1: Héphaïstos

2: Hermès

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Les deux jalousies; Les travaux et les jours; Hésiode

Ouvre tes yeux et tes oreilles ;

forme un jugement droit,

toi ; et moi je pourrais

t’apprendre, Persès1, le vrai.

Jalousie n’est pas une,

et d’un seul genre ; mais sur terre

elles sont deux ; l’une d’elles,

en y pensant tu la trouverais belle.

L’autre est mauvaise ;

les cœurs ne se ressemblent pas.

L’une pousse aux guerres mauvaises,

à la bataille ; c’est une peste ;

aucun homme ne l’aime ; c’est

par contrainte, parce que le veulent

ceux qui ne meurent pas

qu’on honore la dure Jalousie.

L’autre est la première qu’ai mise

au monde la Nuit noire,

Et le fils de Kronos, qui siège

dans les hauteurs où brille le feu,

l’a placée dans les racines de la terre.

Bienfait pour les hommes.

Elle pousse au travail

même celui qui n’a pas de mains.

Chacun regarde son prochain,

l’envie lui prend de travailler,

si l’autre est riche et se dépêche

de labourer, de planter, d’arranger sa maison ;

le voisin envie son voisin

qui court vers la richesse ; c’est là

bonne jalousie pour les gens.

Et le potier jalouse le potier,

et le maçon, le maçon,

et le mendiant envie le mendiant,

et l’aède l’aède.

Ô Persès, range ces paroles

dans le cellier de ton cœur.

Méchante jalousie pourrait

te faire oublier ton ouvrage,

tu serais sur la place un badaud,

bouche bée devant le procès

sur la place de la ville,

quand on n’a pas devant soi

en bonne quantité

bien à point, ce que donne le champ,

le blé de Déméter.

As-tu ton content ? Alors en avant

pour le procès, cherche noise

aux autres pour leur prendre

leur bien. Tu ne le feras pas

deux fois. Allons, maintenant,

tout de suite réglons notre affaire,

en droite justice, celle qui plait

à Zeus plus que toute autre.

Nous avons déjà partagé

l’héritage, et tu a pris

le plus gros, tu l’as gardé,

tu faisais risette aux seigneurs,

qui se goinfrent de cadeaux ;

telle est la justice qu’ils aiment.

Imbéciles ! Ils ne savent pas

que la moitié est plus que le tout

et qu’on peut tirer un bon parti

de la mauve et de l’asphodèle.

v.9-41

1:Persès est le frère d’Hésiode

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Retrouvailles et épilogue; Hymne 2, pour Déméter ; Hymnes Homériques ; Hésiode

Elle se rongeait du désir

de voir sa fille au vaste giron.

C’est une année effroyable

sur la terre nourrice

qu’elle imposa aux humains, et cruelle.

Déméter la Couronnée

tenait la semence cachée.

Aucune pousse ne paraissait.

Plus d’une fois les vaches tirèrent

la charrue dans les champs. En vain.

Plus d’une fois l’orge blanc

tomba dans la terre en pure perte.

Elle allait disparaître tout à fait,

la race des hommes éphémères,

à cause de la faim sinistre

et ceux qui habitent sur l’Olympe

n’auraient plus reçu d’honneurs,

de cadeaux et de sacrifices,

si Zeus n’avait pas réfléchi,

et médité au fond de son cœur.

Il envoya d’abord Iris

qui a des ailes dorées

vers Déméter aux longs cheveux,

belle, désirable mille fois.

Il dit. Et elle à l’ordre

de Zeus Nuages-Noirs le Kronide

obéit et à toutes jambes

elle traversa tout l’intervalle.

Elle arriva à la ville

d’Éleusis aux bonnes senteurs,

elle trouva dans son temple

Déméter sous sa mante noire.

Elle lui parla. Elle dit

ces paroles qui ont des ailes :

« Déméter, Zeus le père

qui sait des secrets éternels

t’appelle : reviens dans la famille

des dieux qui vivent toujours.

Viens, que ne soit pas vaine

ma parole qui est de Zeus. »

Voici ce qu’elle dit, suppliante,

mais sans pouvoir la persuader.

La père alors dit aux dieux bienheureux,

à ceux qui vivent toujours,

d’aller la prier tous. Un par un,

chacun son tour ils y allaient,

ils l’appelaient, lui promettaient

des cadeaux magnifiques,

tous les honneurs qu’elle voudrait

auprès de ceux qui ne meurent pas.

Mais personne ne pouvait

fléchir son cœur et son esprit,

car elle était fâchée.

Elle refusait durement leurs offres.

Elle proclama que jamais

elle n’irait sur l’Olympe

aux bonnes senteurs, que jamais

elle ne ferait naître les fruits

tant qu’elle n’aurait pas vu

de ses yeux sa fille au doux regard.

Lorsque Zeus l’eut entendue,

lui qui gronde au loin, lui le Voyant,

il envoya vers l’Érèbe

l’Argeïphontès1 à la baguette d’or,

pour que par des douces paroles

il persuade Hadès

de laisser Perséphone la Pure

quitter la brûle et les ténèbres

et monter vers la lumière, vers les dieux,

pour que sa mère

puisse la voir de ses yeux

et fasse cesser sa colère.

Hermès obéit ;

dans les profondeurs de la terre

vite il descendit,

quittant la maison de l’Olympe.

Il trouva le Seigneur

à l’intérieur de sa maison,

assis sur un lit

avec son épouse timide

(elle était là à contrecœur ;

elle regrettait sa mère,

qui songeait à se venger

de ce que lui avaient fait les dieux).

Argeïphontès le fort

s’approcha tout près et leur dit :

« Hadès aux cheveux noirs,

seigneur de ceux qui ont péri,

Zeus le père m’a chargé

de mener la belle Perséphone

hors de l’Érèbe, vers les dieux,

pour que sa mère la voie

de ses yeux et fasse cesser

sa colère affreuse et sa fureur

contre ceux qui ne meurent pas.

Elle a le grand projet

d’anéantir les tribus chétives

des hommes nés de la terre,

en cachant sous terre le grain

en supprimant les honneurs

qui nourrissent ceux qui ne meurent pas.

Sa colère est affreuse.

Elle ne veut plus voir les dieux.

Dans son temple, parmi les senteurs,

elle s’enferme toute seule, et règne

sur Éleusis la rocheuse. »

Voila ce qu’il dit ; le seigneur des morts,

Aïdoneus, en souriant

leva le sourcil et obéit

à l’édit de Zeus le roi.

Sans attendre il donna ses ordres

à Perséphone la sage :

« Va, Perséphone, va la voir

ta mère aux voiles noirs.

Que ton cœur soit sage dans ta poitrine,

serein ton esprit.

Ne te laisse pas aller

à une tristesse trop grande.

Je ne suis pas un époux méprisable

parmi les immortels.

Je suis le frère de Zeus le père.

Si tu restes ici,

tu commanderas à tout ce qui vit,

à tout ce qui rampe.

Tu auras les plus grands honneurs

parmi les immortels.

Tu pourras punir tous les jours

ceux qui t’auront fait du tort,

qui n’auront pas cherché à obtenir

ta grâce en t’offrant

en toute pureté des sacrifices

et tout ce qu’il convient. »

Voila ce qu’il dit.

La sage Perséphone en fut heureuse,

et dans sa joie, elle bondit

brusquement, mais il

lui donna à manger

un doux pépins de grenade,

sans qu’elle y prenne garde.

Il voulait empêcher qu’elle reste

à jamais auprès de Déméter

la vénérable aux voiles noirs.

À son char d’or il attela

sous ses yeux des chevaux

qui ne mourront pas, lui,

Aïdoneus, Maître des Foules.

Elle monta sur le char,

la fort Argeïphontès

à coté d’elle prit

dans ses mains les rênes et le fouet.

Il traversa le palais ;

les chevaux galopaient de bon cœur.

En peu de temps, ils parcoururent

un long chemin. Ni la mer,

ni l’eau des fleuves, ni les montagnes

n’arrêtèrent la course

de ces chevaux libres de mort.

Car ils fendaient l’air profond

dans leur élan vers les hauteurs.

Il les fit d’arrêter à l’endroit

où Déméter la couronnée

attendait devant son temple

pleins de bonnes odeurs. En les voyant

elle sursauta comme une ménade2

dans les taillis de la montagne.

Perséphone de son côté,

quand elle vit les beaux yeux

de sa mère quitta le char,

oublia les chevaux,

sauta, courut l’embrasser,

se pendit à son cou.

Mais elle, dès qu’elle tint

sa chère enfant dans ses bras,

comprit soudain la ruse,

fut prise d’une grande peur

et cessant de l’embrasser

lui posa la question :

« Mon enfant, n’as-tu pas,

pendant que tu étais là-bas,

mangé quelque chose ? Parle,

ne cache rien, il faut que nous sachions

si tu peux revenir

du monde d’Hadès le sinistre,

vivre avec moi et ton père,

le Kronide Maître-des-Nuages.

Et te feraient honneur

tous ceux qui ne meurent pas.

Mais si tu as mangé, tu t’en retourneras

sous la terre.

Tu habiteras là

pendant l’une des trois saisons,

et les deux autres avec moi,

avec ceux qui ne meurent pas.

Lorsque s’épanouiront

sur la terre les fleurs du printemps

avec leurs parfums divers,

tu monteras de la nuit obscure

et tu seras merveille pour les dieux

et pour les hommes qui meurent.

Raconte-moi comment t’a emportée

dans la brume sombre,

par quelle ruse forte t’a trompée

le Maître du Large Accueil. »

Alors Perséphone la belle

lui répondit ces mots :

« je vais te dire, mère,

exactement tout ce qui s’est passé.

Quand est venu Hermès le bienfaiteur,

le messager rapide

de la part de Zeus le Père

et de tous les autres Ouraniens,

me disant de sortir de l’Érèbe

pour que tu me voies de tes yeux

et que cesse ta colère,

ta fureur contre les Immortels,

j’ai tout de suite bondi de joie.

Mais, sans que j’y prenne garde,

il m’a mis dans la bouche

un doux pépins de grenade

et m’a contrainte par la force

à l’avaler malgré moi.

Comment il m’a prise grâce au piège

inventé par le Kronide

mon père, au fond de la terre

comment il m’a emportée,

je te le dirai, je répondrai

à toutes tes questions.

Nous étions toutes

dans une délicieuse prairie,

Leukippè, Phaïno,

Ianthé et Électre,

Mélitè et Iakhè,

Rhodéïa et Kallirhoè,

Lèlobosis et Tykhè,

Okyrhoè, belle comme une fleur,

Chryséis et Ianeïra,

Akastè et Admètè

et Rhodopè et Ploutô

et Calypso la désirable,

et Styx, et Ouranie

et l’aimable Galaxaurè

Pallas qui provoque les batailles,

Artémis qui aime les flèches,

nous jouions à cueillir

de nos mains de douces fleurs,

le beau crocus mêlé

aux flambes d’eau, aux jacinthes,

et la rose en bouton,

et les lys, merveille des yeux,

et le narcisse qu’a fait naître

comme le crocus la terre large.

Et moi je l’ai cueilli,

pleine de joie ; mais le sol s’est ouvert ; le prince en est sorti,

le maître du Large Accueil,

le puissant ; il m’a emportée

sur son char d’or au fond de la terre.

Je ne voulais pas. J’ai crié

à pleine voix ; mon cri montait.

Voilà toute la vérité ;

il me fait deuil de te la dire. »

Elles passèrent alors tout le jour,

leurs cœurs à l’unisson,

à se réconforter l’une l’autre,

à se réjouir ;

elles s’embrassaient sans cesse,

et leur chagrin s’effaçait ;

chacune recevait

et donnait à son tour de la joie.

Voici que s’approcha d’elles

Hécate (son diadème brille).

Elle embrassa longuement

la fille de Déméter la sainte.

Et c’est pourquoi la princesse

marche devant elle et derrière.

Zeus le Voyant qui gronde fort

leur envoya comme messagère

Rhéïa aux longs cheveux

pour faire revenir chez les dieux

Déméter aux voiles noires ;

Il promit de lui donner

tous les honneurs qu’elle souhaiterait

parmi ceux des Immortels.

Il accepta que sa fille,

de chaque année qui tourne

passe la troisième partie

dans la brume obscure,

et les deux autres près de sa mère

et les dieux qui ne meurent pas.

Voilà ce qu’il dit. À cet ordre

la déesse ne fut pas rebelle.

Elle s’élança soudain

depuis les sommets de l’Olympe,

alla jusqu’à Rharos, où étaient

autrefois les seins nourrissants

de la terre, mais depuis

ils ne nourrissaient plus.

Ils étaient stériles, sans verdure ;

cachant l’orge blanc

selon l’idée de Déméter

aux fines chevilles. Mais bientôt

la terre aurait une chevelure

de longs épis ;

le printemps s’épanouirait,

les riches sillons

dans la plaine seraient lourds

d’épis, à lier en gerbes.

C’est là qu’elle alla tout d’abord,

venue de l’éther infertile.

Elles eurent plaisir à se voir ;

leurs cœurs étaient en joie.

Voici ce que lui dit alors

Rhéïa (son diadème brille) :

« Viens ici, mon enfant ;

Zeus le voyant qui gronde fort

veut que tu reviennes chez les dieux ;

il promet de te donner

tous les honneurs que tu souhaiteras

parmi ceux des immortels.

Il accepte que ta fille

de chaque année qui tourne,

passe la troisième partie

dans la brume obscure,

et les deux autres près de toi

et des dieux qui ne meurent pas.

Il dit qu’il en serait ainsi ;

il a fait signe de la tête.

Allons, va, mon enfant,

obéis, cesse d’être en colère

si violemment contre le Kronide

Maître des Nuages Noirs.

Fais pousser tout de suite

le grain qui nourrit les hommes. »

Voilà ce qu’elle dit. Déméter

la couronnée obéit.

Elle fit pousser tout de suite

le grain dans les champs fertiles.

Toute la terre large s’alourdit

de feuilles et de fleurs.

Elle, aux rois qui rendent la justice

elle alla montrer

à Triptolémos, à Dioklès

l’habile cavalier,

à Eumolpos le fort, à Kéléïos

qui guide les peuples,

le déroulement des cérémonies ;

elle révéla les rites

(à Triptolémos et à Polyxénos, à Dioklès aussi).

Rites graves, on ne peut

ni les négliger, ni s’en enquérir,

ni en parler ; la piété pour les Déesses

retient la voix.

Heureux parmi les hommes de la terre

celui qui les a vus.

Celui qui n’a rien fait,

qui n’a pas pris part à rien, son sort

est différent, quand il est mort,

dans les ténèbres mouillées.

Puis quand elle eut tout mis en ordre,

la déesse des déesses,

elle s’en alla vers l’Olympe

à l’assemblée des dieux.

C’est là qu’elles habitent toutes

près de Zeus Joie-de-le-Foudre

les grandes, les Vénérables.

Bienheureux parmi les hommes

qui sont sur terre celui

qu’elles ont choisi d’aimer.

Soudain elles lui envoient

comme un hôte dans sa maison

Ploutos qui donne l’abondance

aux hommes qui mourront.

Et maintenant, maîtresse du pays,

d’Éleusis aux bonnes senteurs,

de Paros entourée par les vagues,

d’Antrôn la rocheuse,

souveraine, maîtresse des saisons,

douce bienfaitrice,

Princesse Déo, avec ta fille,

la belle Perséphone,,

prends soin de nourrir en joie ma vie

en récompense de mon chant.

Pour moi j’ai de toi souvenir,

mais d’autre chant aussi.

1: Hermès

2:voir articles sur les ménades ou les Bacchantes.

v.304-495

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Déméter recherche Perséphone; Hymne 2, pour Déméter ; Hymnes Homériques ; Hésiode

Pendant neuf jours, par toute la terre,

la reine Dèô1

tourna en rond, tenant en main

des torches enflammées ;

dans sa douleur elle ne toucha

ni à l’ambroisie ni au nectar

qui est bon à boire ; elle refusa

de baigner son corps.

Au dixième jour, quand parut

l’aurore lumineuse,

Hécate vint à sa rencontre,

tenant à la main une lampe,

et lui dit ce qu’elle savait ;

voici comment elle parla :

« Reine Déméter, maîtresse des saisons,

douce bienfaitrice,

qui parmi les dieux du ciel

ou les hommes qui meurent

a enlevé Perséphone

et t’a brisé le cœur ?

J’ai entendu la voix,

mais de mes yeux je n’ai pas vu

qui c’était. Voila tout ce que je puis

te dire de certains. »

Ainsi parlait Hécate, la fille

de Rhéïa aux longs cheveux

ne lui répondit rien, mais au plus vite

elle partit avec elle,

et toujours elle tenait en main

des torches enflammées.

Elles arrivèrent près de Soleil,

qui voit les hommes et les dieux.

Elles arrêtèrent ses chevaux,

et la grande déesse lui dit :

« Soleil, traite-moi avec respectent

(je suis une déesse), si jamais

d’un mot, d’un geste j’ai fait du bien

à ton cœur ou à ton âme.

La fille que j’ai enfantée,

douce fleur si belle,

je l’ai entendue pousser des cris

à travers l’air infertile,

comme si on lui faisait violence,

mais je n’ai rien vu de mes yeux.

Mais toi, car tu regardes avec tes rayons

du haut de la divine lumière

tout ce qui a lieu sur la terre

et jusqu’au fond de la mer,

dis-moi, de manière certaine,

cette enfant, si tu l’as vue :

qui alors que j’étais loin,

par la contrainte, malgré elle,

qui me l’a prise, qui des dieux

ou des hommes qui meurent? »

Voici ce qu’elle dit. Et le fils d’Hypérion

lui répondit par ces mots :

« Fille de Rhéïa aux longs cheveux,

princesse Déméter,

tu va le savoir. Car j’ai pour toi

grand respect, grande pitié :

tu souffres à cause de ta fille

(elle a de fines chevilles).

Aucun autre dieu n’est responsable que Zeus Maître-des-Nuages.

Il en a fait cadeau à Hadès

qui est son propre frère

et qui, toute belle, en fera

sa femme ; avec ses chevaux

il l’emporte dans le brouillard obscur.

Elle pousse des cris.

Déesse, arrête de pleurer ;

non, il ne faut pas

que tu vives toujours dans la colère ;

ce n’est pas un gendre

sans allure parmi les immortels,

Aïdoneus1, Maître des Foules.

C’est ton propre frère, il a mêmes parents ;

aux premiers temps

quand le monde fut partagé

en trois, il a reçu

une belle part et il est roi

de qui habite près de lui. »

Voici ce qu’il dit. Et il lança ses chevaux ;

eux, à son cri,

emportèrent vite le char,

comme des oiseaux à grandes ailes.

Pour elle une douleur plus sombre, plus cruelle

la toucha au cœur.

Elle était en colère

contre Kroniôn Nuages-Noirs.

Elle tourna le dos à l’assemblée des dieux,

aux grand Olympe.

Elle alla vers la ville des hommes

et leurs riches domaines.

Pendant longtemps elle se fit

méconnaissable. Personne,

homme ou femme à l’ample giron,

en la voyant ne la reconnut.

Finalement elle atteignit

la maison de Kéléïos le sage,

qui régnait alors sur Éleusis aux bonnes senteurs.

Elle s’assit sur le bord du chemin, le cœur malheureux,

près du Puits-aux-Filles,

où les habitants venaient chercher l’eau

à l’ombre – car au-dessus d’elle,

poussait un bel olivier.

Elle ressemblait à une vieille chargée d’ans

qui ne peut plus

enfanter, ou jouer le jeu

d’Aphrodite couronnée.

Telles sont, chez les rois qui disent le droit,

les nourrices

des enfants ou les intendantes

dans les maisons où les bruits résonnent.

1:Autre nom de Déméter, peut-être le nom primitif:Déméter semble formé de Dè- et de -meter (qui signifie évidemment mère)

2: Hadès

v.47-104

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